mercredi, octobre 04, 2006

Scène 4 - Retour au LiP6

En pénétrant sur les lieux du crime, Fred retrouva l'odeur caractéristique de la poudre à empreintes, qui n'arrivait jamais à effacer totalement le parfum du sang – le sang de son amie. Il prit de nombreuses photographies, avec son vieil appareil numérique : le dessin du corps de Lizete sur le sol, les murs constellés de tâches de sang, les empreintes nombreuses relevées dans la chambre. Visiblement, Lizete n'avait pris de la bonne soeur que son accoutrement, à en juger par les innombrables empreintes différentes trouvées dans la chambre, tant sur les montants du lit que sur le chevet.
Néanmoins, ça ne collait pas vraiment à ce qu'il savait d'elle. Pouvait-on changer autant en seulement dix années ?
Il ne servait à rien d'effectuer une fouille méticuleuse, la police étant passée avant lui. Tous ses papiers, si tant est qu'elle en ait amenés, avaient disparu – probablement emportés par le commissaire Didier V. Fred savait que lorsque le commissaire effectuait une perquisition, il laissait tout très clean derrière lui, de même qu'il ne dévoilait jamais ses sources. « Il n'y a pas à dire, il a la class, ce commissaire », se dit-il en se rappelant une bonne blagounette de Sheng.

Dans la foulée, il se rendit au domicile privé de Lizete, au neuvième étage d'un bâtiment de la rue du Capitaine Scott. L'immeuble était vieux et désaffecté, mais elle avait toujours refusé de déménager – ses contacts dans la presse avait permis d'empêcher que le site soit rasé, et elle avait pu y demeurer, seule sur douze étages, les ascenseurs condamnés.
Fred trouvait un peu glauque de se promener seul dans les couloirs déserts, mais il retrouva dans l'appartement de son amie la même ambiance qui l'accompagnait autrefois. Il fouilla dans ses dessins, ses nouvelles inachevées, des ébauches aussi, très nombreuses. Mais il ne trouva rien concernant son travail en cours.
Il passa dans sa chambre, regarda sous le lit, ouvrit les tiroirs de la commode.
« Lallemand ! tonna derrière lui la voix du commissaire Didier V. Qu'est-ce que vous fabriquez ici ? »
Fred se retourna lentement. Il n'avait pas entendu le moindre bruit, mais le commissaire était là, avec deux de ses adjoints. Le plus grand se prénommait Jean-Marc, un type patibulaire que Fred n'avait jamais pu encadrer ; le second, plus petit, s'appelait Eric.
« Jean-Marc, va là-bas ! ordonna Didier V. avant d'affecter Eric à la fouille du salon. Alors Lallemand, tu comptes me répondre ?
_ Je suis passé, comme ça. J'avais la clé depuis très longtemps.
_ Hum, je vois. »
Visiblement, il n'y voyait plus grand chose, et trouver un ancien flic reconverti dans les enquêtes privées ne lui plaisait pas beaucoup.
« Je me doutais que tu ne resterais pas statique, mais je ne veux pas t'avoir dans mes pattes. Dégages d'ici et que je ne te revois plus. J'espère que je suis clair ? Je n'aime pas les private, quant bien même la victime elle-même t'aurait demandé de la protected. »
Fred leva les mains en signe d'apaisement et se dirigea vers la porte.
« Et ne t'avises pas t'avertir le public de quoi que ce soit », ajoute Didier V en claquant la porte.

Fred décida d'aller boire un coup au bistrot du coin – il avait besoin de faire le point sur l'affaire. Ce qu'il savait se résumait à très peu de choses : Lizete avait été assassinée sous la fausse identité de Soeur Elizabeth, et ce de façon extrêmement violente. La mafia n'utilisait pas ce genre de méthodes, ça avait tout l'air d'être un crime passionnel, ou le fait d'un malade mental. Pourtant, un ancien parrain de la mafia chinoise s'intéressait de près à ce crime – était-il possible, dans ce cas, qu'un nervi de la pègre ait décidé de maquiller son exaction en la faisant passer pour l'oeuvre d'un psychopathe ? Bien sûr, Lizete était une paparazzi reconnue et redoutée, mais de là à motiver un tel meurtre ... Il sortit de sa poche un carnet dans lequel il nota une liste de choses à faire : 1) interroger les journaux pour lesquels Lizete avait travaillé ces derniers mois, 2) interroger les religieuses de l'église sur Soeur Elizabeth, 3) passer à l'imprimerie de Vasile pour les journaux du soir, 4) passer à la supérette pour acheter du gel douche, du talc anti-pue-des-pieds et des flambys, 5) extorquer à Sheng des informations sur ses liens véritables avec Lizete.
Ce dernier point, notamment, le préoccupait ; il avait la conviction, a posteriori, que Sheng ne lui avait pas tout dit sur ses motivations personnelles.
Lorsqu'il eut fini sa bière, Fred emprunta la rue de la Fédération sous une pluie fine qui faisait comme un brouillard d'eau autour de lui. Comme souvent, la rue était presque déserte et il gagna le quai Branly très vite, à hauteur de la station Bir-Hakeim. La tour Eiffel, dans son dos, se perdait dans les nuages.
Il prit dans sa poche l'adresse que lui avait fournie Sheng, puis descendit sur le quai.

Il n'eut aucun mal à trouver la longue péniche couverte de lierres – un peu à l'écart des autres, elle semblait un peu à l'abandon, comme si personne ne vivait plus là depuis longtemps. En sentant le pont osciller sous son poids, il se promit d'arrêter les barquettes de frites avec ses sandwiches grecs, puis il entendit aussitôt un bruit dans l'habitacle de la péniche ; il y avait quelqu'un à l'intérieur.
Un grand rideau noir empêchait de voir par la porte-vitrée ce qui se passait à l'intérieur, mais il n'en aurait de toute façon pas eu le temps. Avant même qu'il ne tende la main pour frapper à la porte, quelqu'un se glissa derrière lui et lui assena un coup de coude terrible à l'arrière de la nuque.
Fred tomba à genoux, inconscient.

2 commentaires:

Little Endian a dit…

C'est bête, très bête, comme peut-on encore pouffer de rire à cette vieille blague "Jean-Marc, va là-bas" ? XDDDDDDDDDDD

Glou a dit…

Attend, il y a même Jean-Jacques Goldman qui a fait une chanson sur Labat ...